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SEANCE INAUGURALE
mardi 4 novembre 2003
par Marcel Bolle
De Bal
Université Libre de Bruxelles
RELIANCE, DELIANCE, LIANCE :
émergence de trois notions
sociologiques
emergencia de 3
nocionessociológicas
Michel Maffesoli, grand
adepte, utilisateur et diffuseur de la notion de « reliance » m’a demandé,
en tant que parrain de celle-ci, de rédiger un article de référence
concernant la genèse et le contenu de ce concept à l’audience croissante. Ce
faisant, il songeait non seulement à ses collègues sociologues, mais surtout
à ses étudiants et disciples amenés à recourir à l’usage de ce terme
relativement neuf au sein de la panoplie de la langue sociologique.
C’est bien volontiers que je réponds à
son amicale et pressante invitation. Compte tenu des multiples échanges que
j’ai eus à ce propos au fil des ans, j’estime indispensable de lier
l’analyse du concept de « reliance » à celle de deux autres qui lui sont
ontologiquement liées : « déliance » et « liance ». En fait – cela peut se
constater à la lecture chronologique de mes écrits sur le sujet – la « re-liance »
suppose l’existence préalable d’une « dé-liance » et celle-ci un état
de « pré-déliance » que nous définirons alors comme le phénomène de « liance »,
séquence que je vais tenter d’expliciter dans quelques instants.
DE LA RELIANCE
Pour étudier et comprendre la
problématique du lien social dans la société contemporaine, le concept de « reliance »,
en particulier celui de « reliance sociale », me paraît de nature à
éclairer, approfondir et synthétiser un grand nombre d’études particulières
sur le sujet.
Notons au préalable l’existence d’une
controverse scientifique sur la nature même de cette notion de
« reliance » : s’agit-il d’une simple notion ou mérite-t-elle le titre de
concept ? Michel Maffesoli, allergique à tout risque de rigidité
herméneutique, accorde sa préférence à la première de ces qualifications.
Par ailleurs, dans le cadre d’une disputatio académique locale, un
éminent collègue n’a pas hésité à aller plus loin, à refuser catégoriquement
(et oralement) de reconnaître à la « reliance » la qualité de concept.
Personnellement, m’appuyant sur la définition du dictionnaire philosophique
de Lalande, je persiste à considérer qu’en l’occurrence il ne s’agit certes
pas d’un concept a priori, mais bien d’un concept a posteriori, de
nature empirique, en l’occurrence « une représentation mentale générale et
abstraite d’un objet » (Robert).
La reliance : émergence du concept
Pour cerner ce concept émergent, je vais
tenter d’en situer l’origine, la définition, le contenu, avant d’en
souligner la dimension sociologique et la spécificité.
Origine de la notion
Parrain de cette notion, dans la mesure
où je ne l’ai point inventée, mais seulement enrichie, entretenue et
développée, je me dois de lui reconnaître deux pères philologiques : Roger
Clausse et Maurice Lambilliotte. Car si cette notion apparaît relativement
nouvelle, elle peut cependant se targuer d’une existence de plus d’un
demi-siècle et d’une présence active de plus d’un quart de siècle.
A ma connaissance, le premier sociologue
à avoir utilisé, et probablement créé le terme de « reliance » en français,
est Roger Clausse, dans son ouvrage « Les Nouvelles ».
Analysant le besoin social d’information, il en inventorie les diverses
dimensions, et notamment la dimension psychosociale : « il est besoin
psychosocial : de reliance en réponse à l’isolement ».
Le développement de l’information et de son support, le journal, tend à
répondre à ce besoin. Aussi, Roger Clausse distingue-t-il, au sein du
complexe des fonctions sociales remplies par le journal, une fonction de « reliance
sociale » qu’il définit comme suit : « rupture de l’isolement ;
recherche de liens fonctionnels, substitut des liens primaires, communion
humaine ».
Information prise auprès de cet auteur,
ce terme de « reliance » a été utilisé par lui comme synonyme de celui
d’« appartenance » : le besoin de reliance était dans son esprit une facette
du besoin d’appartenance sociale (« d’appartenir à une communauté dont on
partage ou refuse le sort heureux ou malheureux »), la fonction de reliance
sociale ne serait qu’une formulation originale, plus précise, de ce que Jean
Stoetzel avait auparavant défini comme la fonction d’appartenance sociale
ou, plus profondément peut-être, une synthèse de la fonction d’appartenance
sociale et de la fonction psychothérapeutique de la presse (la
reconstitution d’un équivalent des relations primaires détruites par la
société de masse) mise en évidence par ce même Stoetzel ».
Depuis lors, l’analyse de cette fonction de reliance a été étendue aux
autres médias : radio, T.V., etc.
Les sociologues des médias ne sont
toutefois pas les seuls à avoir eu recours à ce néologisme. Voici quelques
décennies, un autre auteur belge a utilisé le même terme, mais dans un sens
légèrement différent : Maurice Lambilliotte, dans son ouvrage « L’homme
relié ».
Il lui donne une signification transcendantale, quasi religieuse : pour lui,
la reliance est à la fois un état et un acte, « l’état de se
sentir relié » ,
« un acte de vie… acte de transcendance par rapport aux niveaux habituels où
se situe notre prise de conscience ».
« Mode intérieur d’être : … elle permet à tout individu de dépasser, en
conscience, sa solitude ».
La reliance à ses yeux est donc essentiellement du domaine de l’expérience
intérieure, une quête de l’Unité de la vie.
Cette double émergence de la notion de
« reliance », avant ma propre intervention, n’est pas le fruit du hasard,
même si les deux « créateurs » du terme ne paraissent pas avoir agi de façon
concertée. En fait, ils sont « reliés » par leur commune insertion forcée
dans un système socio-scientifique à base de division et de « déliance » (la
société de la foule solitaire) et aussi par une caractéristique convergente
de leur conception de la reliance : la relier à l’homme, placer celui-ci
au centre ou au départ du procès de reliance.
Premier élément de définition
oUne telle conception, malgré les
apparences, n’a rien d’une évidence. Elle pourrait même être considérée
comme réductionniste : les hommes ne sont pas les seuls à pouvoir être
reliés, les idées et les choses – si elles avaient la parole – pourraient
revendiquer un droit similaire.
Des idées peuvent être reliées : en son principe, la science vise à réaliser une telle reliance, à
découvrir les relations cachées entre les faits, les choses et les
phénomènes. Certes la science occidentale dominante, issue des œuvres de
Descartes, isole, sépare, divise pour connaître et comprendre. Mais ce
premier moment de la démarche scientifique – dont se contentent trop de
chercheurs – n’a de sens que s’il est complété par une seconde démarche,
celle qui vise à relier ce qui est isolé, séparé, disjoint, dé-lié.. Après
l’étape de la science en miettes, doit venir celle de la science élargie,
enrichie, recomposée…ce qu’Edgar Morin a théorisé dans son projet de
revalorisation de la « pensée complexe ».
Depuis quelques années de nombreux efforts en ce sens ont vu le jour : la
théorie des systèmes constitue un des lieux de leur cristallisation. Edgar
Morin, lui, essaie de la dépasser, de l’élargir encore, en élaborant une
théorie de l’auto-organisation avec l’ambition de relier les trois éléments
de la trilogie individu-société-espèce.
Des choses peuvent être reliées :
deux villes par une route ou un chemin de fer, deux rives par une passerelle
ou un pont, deux maisons par une ligne téléphonique, deux fleuves ou deux
mers par un canal. Reliance entre des choses, destinée à être utilisée par
des hommes : il est frappant de constater que tous les exemples qui viennent
spontanément à l’esprit relèvent du monde des transports et des
communications.
Toutefois, afin
d’éviter toute dilution du concept, nous avons , dans un premier temps,
proposé de ne point en étendre l’application aux liaisons entre idées et
entre choses, de le réserver aux relations dont l’un des pôles au moins est
constitué par une personne humaine En cela notre définition rejoignait et
reliait celle de nos deux prédécesseurs.
Définition de la
reliance
Reliance et reliances
Dans le cadre de cette
définition très globale, plusieurs hypothèses peuvent être envisagées,
chacune correspondant à un type particulier de reliance :
-
la
reliance entre une personne et des éléments naturels :
je peux vivre ma reliance au Ciel ( par la religion notamment ) , à la Terre
( retrouver mes « racines ») aux divers composants de notre Univers et y
puiser une dimension importante de mon identité ; dans ce cas l’on peut
parler de reliance cosmique ;
-
la
reliance entre une personne et l’espèce humaine :
elle peut se réaliser notamment par les rites, les mythes , la prise de
conscience de son insertion dans la longue évolution des systèmes vivants ;
dans ce cas l’on parlera de reliance ontologique ou anthropo-mythique ;
-
la
reliance entre une personne et les différentes instances de sa
personnalité : la
quantité et la qualité des relations entre les pulsions du Ça, les exigences
du Surmoi et le Moi en construction, entre le corps et l’esprit, entre le
conscient , le subconscient et l’inconscient ; ici il s’agira de reliance
psychologique ;
-
la
reliance entre une personne et un autre acteur social,
individuel ( une personne) ou collectif ( groupe, organisation,
institution, mouvement social…) : c’est la reliance sociale
proprement dite, dont la reliance psycho-sociale ( entre deux
personnes ) constitue à la fois un cas particulier et un élément de base.
Reste alors le cas des relations entre
deux acteurs sociaux collectifs : elles pourraient aussi être définies,
analysées, interprétées en termes de reliance sociale. La définition retenue
jusqu’à présent conduit à les exclure du champ recouvert – momentanément –
par ce concept : les y inclure reviendrait à affaiblir le sens et l’intérêt
de celui-ci, alors que la sociologie abonde en concepts et théories pour
l’analyse de telles relations.
La reliance sociale
Dans le cadre de l’étude du lien social,
la notion qui doit intéresser le sociologue au premier chef est évidemment
celle de reliance sociale, c'est-à-dire de la reliance entre deux
acteurs sociaux dont l’un au moins est une personne.
Les autres dimensions de la reliance sont
toujours présentes, ne fût-ce que de façon sous-jacente, lorsqu’on traite de
reliance sociale : tel est d’ailleurs un des intérêts de ce concept qui
enrichit l’analyse des liens sociaux par l’évocation de leurs dimensions
psychologiques, philosophiques et culturelles.
Par application des divers éléments
précédemment réunis, je propose de définir comme suit la reliance sociale :
« la création de liens entre des acteurs sociaux séparés, dont l’un au
moins est une personne ».
Cette définition générale n’est pas
dictée uniquement par la prise en considération des spécificités du contexte
sociologique contemporain (un système social au sein duquel les liens
traditionnels ont été détendus, brisés, éclatés, une société de
« déliance »), mais peut s’appliquer à tout acte ou état de reliance.
La reliance : dimension sociologique du concept
Une première approche superficielle de
l’idée de reliance pourrait donner à penser qu’il s’agit d’un concept
d’essence psychologique renvoyant aux besoins et désirs - qu’éprouveraient
les individus perdus au sein de la foule solitaire - de nouer ou renouer des
relations affectives (des liens sociaux) avec autrui : dans ces conditions,
les sociologues n’auraient qu’en faire.
Telle n’est pas ma conviction. La
dimension sociologique du concept saute aux yeux dès que l’on désire prendre
en considération le fait que l’acte de relier implique toujours une
médiation, un système médiateur.
Reliance sociale et système médiateur
Les acteurs sociaux sont à la fois
liés (ils ont des liens directs entre eux), et re-liés par un ou
des systèmes médiateurs (qu’il s’agisse d’une institution sociale ou d’un
système culturel de signes ou de représentations collectives). Dans la
relation intervient un troisième terme. Naissent ainsi ce que Eugène Dupréel
a appelé des « rapports sociaux complémentaires ».
La définition de la reliance sociale
peut donc être affinée et être formulée dans les termes suivants : « La
production de rapports sociaux médiatisés, c'est-à-dire de rapports sociaux
complémentaires » ; ou, en d’autres termes, « la médiatisation de
liens sociaux ».
Les systèmes médiateurs, mis en jeu par
cette médiation, peuvent être :
- soit des systèmes de signes (la
langue, la possession d’objets de consommation…) ou de représentations
collectives (les croyances, la culture…) permettant la communication,
l’échange, la reliance ;
- soit des instances sociales
(groupes, organisations, institutions…), déterminant et modelant les
rapports de reliance.
La reliance sociale, concept tri-dimensionnel
A partir du fait que la reliance n’existe
pas indépendamment d’instances médiatrices, trois sens du concept « reliance
sociale » peuvent être distingués d’un point de vue sociologique, selon que
cette reliance est envisagée :
- en tant que médiatisation,
c'est-à-dire comme le processus par lequel des médiations sont instituées
qui relient les acteurs sociaux entre eux ; c’est le procès de reliance
(reliance-procès) ;
- en tant que médiation,
c'est-à-dire comme le système plus ou moins institutionnalisé, reliant les
acteurs sociaux entre eux : c’est la structure de reliance (reliance-structure) ;
- en tant que produit,
c'est-à-dire comme le lien entre les acteurs sociaux résultant du ou des
systèmes médiateurs dont font partie ces acteurs ; c’est le lien de
reliance (reliance-lien).
Lien social et reliance sociale
La complexité ainsi dévoilée du concept
de reliance sociale nous incite à la prudence sociologique lorsque nous est
suggérée l’analyse du lien social : par-delà celui-ci se profilent la
dynamique de sa genèse (sa médiatisation) et le résultat de celle-ci (les
médiations qui le déterminent), le procès et la structure de reliance qui
produisent le lien social en sa spécificité momentanée. La tâche prioritaire
du sociologue est de comprendre à la fois la dynamique du tissage et la
statique du tissu social, pour reprendre une métaphore de Michel Maffesoli.
Et dans l’ordre des préoccupations heuristiques du sociologue, la reliance,
selon moi, est prioritaire par rapport au lien.
Les modèles de reliance sociale
A chacune des trois dimensions qui
viennent d’être dégagées, correspondent différents modèles de reliance :
- la reliance-procès peut être formelle
ou informelle, institutionnelle ou contre-institutionnelle, etc. ;
- la reliance-structure peut être
bureaucratique ou effervescente, atomisante ou globalisante, marchande ou
écologique, etc. ;
- la reliance-lien peut être atomisée (la
foule solitaire), moléculaire (les communautés), globale (les manifestations
collectives).
Un des objectifs prioritaires de
recherche devrait consister à dresser une typologie concrète de ces
différents modèles de reliance.
La reliance sociale, concept psycho-sociologique
Une théorie sociologique digne de ce nom
ne peut faire l’impasse sur la dimension psychosociologique des phénomènes
humains. Or, l’intérêt du concept de « reliance », et plus particulièrement
celui de « reliance sociale » me paraît précisément résider dans la
« reliance » qu’il permet entre deux approches des phénomènes psychosociaux
trop souvent séparées, l’approche sociologique et l’approche psychologique.
Sous l’angle sociologique, nous
avons noté deux raisons de recourir à l’emploi du terme « reliance », et
donc du verbe « re-lier » en lieu et place du verbe lier, pour décrire les
liens entre personnes et groupes de personnes ; de tels liens existant ou
ayant existé, les acteurs sociaux, étant ou ayant été ainsi « liés » peuvent
être RE-liés
- soit par l’établissement de liens
« complémentaires »,
- soit par le rétablissement de liens
disjoints,
- soit, évidemment, par les deux à la
fois.
D’autre part, le recours au concept de
reliance permet, grâce à l’introduction de ces dimensions sociologiques
d’élargir, d’enrichir une étude qui, sans cela, risquerait de se confiner à
l’analyse psychologique des liens affectifs, des liaisons
sentimentales, des relations amoureuses – sujet intéressant certes, relié à
la reliance à bien des égards, mais dont l’exploration et l’exploitation,
déjà entreprise avec talent par une multitude de savants, de poètes et de
romanciers, sort des limites d’une (trop) stricte définition sociologique du
lien social. Il s’agit donc bien d’un concept à vocation et d’orientation
psycho-sociologique.
La reliance : dimension anthropologique du concept
Parti avec mon équipe de chercheurs
d’une étude et d’une définition de la reliance sociale (à la reliance aux
autres), j’ai été progressivement amené à élargir cette notion et, dans un
premier temps, à y intégrer deux autres dimensions essentielles des
enjeux de reliance : la reliance à soi (reliance psychologique),
la reliance au monde (reliance culturelle, écologique ou cosmique). A
chacun de ces enjeux correspondent en effet un travail social et
psycho-social sur trois notions-clés pour le devenir humain :
- l’identité, au cœur du travail
de reliance à soi (reliance psychologique),
- la solidarité (ou la
fraternité), au cœur du travail de reliance aux autres (reliance
sociale),
- la citoyenneté, au cœur du
travail de reliance au monde (reliance culturelle, écologique ou cosmique).
Dans une démarche ultérieure, j’ai
complété,
suite à divers échanges avec Edgar Morin,
les définitions initiales en y ajoutant ce que nous pourrions appeler la
reliance cognitive, reliance des idées et des disciplines scientifiques,
démarche indispensable pour prendre en compte la complexité des
réalités humaines et sociales, pour contribuer au développement de la « pensée
complexe ».
Ce faisant la « reliance », par
delà sa dimension de concept sociologique, acquiert une réelle dimension « anthropologique »,
ce qui nous conduit à nous interroger sur son substrat anthropologique, sur
les finalités politico-scientifiques auxquelles son usage peut donner corps.
La reliance, substrat anthropologique
Certains, en effet, ne se font pas faute
d’exprimer leur inquiétude face au risque de dérive psychologique d’un
concept que l’on tient à ancrer fermement dans le champ sociologique. Une
telle inquiétude a sous-tendu, par exemple, les critiques que m’ont
initialement adressées des sociologues aussi avertis que Raymond Ledrut et
Renaud Sainsaulieu. La qualité de leurs auteurs m’a paru mériter une
sérieuse prise en compte de leurs arguments et une réponse circonstanciée.
Une anthropologie judéo-chrétienne ?
Derrière la mise en valeur de l’idée de
reliance, Raymond Ledrut a cru pouvoir déceler une vision anthropologique
contestable : celle, judéo-chrétienne, de la « bergerie fraternelle », de
« la communauté pacifique et bienheureuse », de « l’homme sujet et cœur ».
Renaud Sainsaulieu l’a rejoint dans une certaine mesure lorsqu’il a
interprété le désir de reliance comme une sorte d’« aspiration
fusionnelle », lorsqu’il voit dans la reliance un type particulier de
relation où le désir d’être entendu et accepté sans lutte ni stratégie
serait central. Bref, je me serais fait l’avocat d’« une sociologie de
faibles en quête d’attention que seul l’amour peut justifier ».
Je tiens à l’affirmer avec force : je ne
reconnais nullement mon projet dans ces critiques qui lui ont été adressées.
Celles-ci ont probablement été inspirées par l’application que j’avais faite
du concept à l’interprétation d’une expérience communautaire en Belgique
dans les années 70, et sur laquelle je reviendrai un peu plus loin.
Afin de clarifier le débat et d’en bien
situer les enjeux, je me dois de tenter d’apporter deux précisions : l’une
d’ordre conceptuel, l’autre d’ordre philosophique (ou idéologique).
Le double sens de la reliance sociale
Bien des confusions à propos de l’idée du
concept et des politiques de reliance sociale sont liées au fait qu’une
distinction élémentaire n’est pas faite entre deux sens de ce terme :
- la reliance sociale lato sensu
(au sens large) telle que je l’ai définie jusqu’à présent, à savoir la
création de liens entre des acteurs sociaux ;
- la reliance sociale stricto sensu
(au sens étroit), c'est-à-dire l’action visant à créer ou recréer des liens
entre des acteurs sociaux que la société tend à séparer ou à isoler, les
structures permettant de réaliser cet objectif, les liens ainsi créés ou
recréés.
La première définition est générale et
englobante : elle ne comporte point de jugement de valeur et tend à
recouvrir toutes les situations existantes. La seconde, en revanche, est
plus contingente et plus normative : elle se réfère à des aspirations
spécifiques des acteurs sociaux dans le cadre de la société de la foule
solitaire et aux stratégies spécifiques d’action développées afin de
répondre à la fois à leurs aspirations en matière de reliance sociale
(procès et structures) et à leurs aspirations à la reliance sociale
(c'est-à-dire à leur désir de liens chaleureux, fraternels, proches,
conviviaux). Bref à leur quête d’un renouveau de communications, de
contacts, d’échanges, de partages, de rencontres, d’affection, d’amour,
d’identité. La première fonde une grille d’analyse sociologique, la seconde
éclaire des objectifs d’action sociale.
Le second sens est certainement à
l’origine de l’intérêt pour le concept de reliance. Et c’est à lui que
s’adressent non moins évidemment les critiques à cet égard partiellement
fondées de Raymond Ledrut et Renaud Sainsaulieu. Partiellement, car
l’aspiration à la reliance sociale peut être de divers types : elle
n’implique pas nécessairement un désir fusionnel, elle peut être désir
d’échange de solitudes acceptées comme irréductibles. L’interprétation de
mes contradicteurs est limitée, elle ne concerne qu’une des conceptions de
la reliance sociale : c’est précisément elle que j’ai voulu dépasser en
proposant ce concept qui permet, me semble-t-il, d’échapper à
l’anthropologie judéo-chrétienne originelle pour se rapprocher de ce que je
serais tenté de situer, à la suite des réflexions de Raymond Ledrut,
dans la perspective d’une anthropologie laïco-nietzschéenne.
Une anthropologie laïco-nietzschéenne ?
En tant que citoyen, j’avouerai sans
nulle honte trouver sympathiques les valeurs judéo-chrétiennes décrites
(dénoncées ?) par mes interlocuteurs. A condition d’en affirmer les limites,
d’éviter de tomber dans le piège de l’illusion groupale, de l’idyllisme
communautaire, de la fraternité irénique.
En tant que sociologue, je pourrais me
contenter de procéder à l’analyse critique de ces illusions et de ces
leurres, des contradictions et impasses de pratiques contestées visant à
répondre à des aspirations certes légitimes. Mais j’ai estimé devoir aller
plus loin, ne pas limiter l’analyse à ce sens étroit de la reliance sociale,
élargir l’outil conceptuel en lui donnant toute son ampleur sociologique :
de là est née la définition de la reliance sociale au sens large.
L’anthropologie qui fonde celle-ci est
laïque : en quelque sorte la reliance sociale peut apparaître comme la
forme profane de la religion. Les deux actions sont en effet construites sur
le même radical sémantique (religare : relier). N’est-ce pas Freud qui
considérait que l’une des fonctions de la religion consistait à unir les
individus au groupe en fusionnant les charges affectives contenues et en les
libérant grâce à des rites empruntant à leur dimension collective une
ferveur émotionnelle intense ? Liens sociaux avec transcendance d’une part,
liens sociaux sans transcendance, ou avec une transcendance immanente
d’autre part. Dans une première approche, l’idée de reliance sociale, cas
particulier de religio, paraît donc fondée sur une anthropologie
laïque. Mais elle l’est tout autant si l’on préfère voir dans la religion un
cas particulier de reliance (méta-sociale ?) impliquant une référence
transcendantale… conception que je suis enclin à adopter aujourd’hui.
Une anthropologie que l’on pourrait dire
nietzschéenne aussi : car loin de faire sien l’idéal de la bergerie
fraternelle, de l’affectivité fusionnelle ou de l’empathie consensuelle,
elle tient au contraire à se nourrir de lucidité critique, d’analyse
dialectique et d’interprétations paradoxales. Et s’il fallait, pour être
clair, préciser mon système de valeurs par rapport à ce concept de reliance,
je dirais que pour moi, la reliance renverrait à une image qui m’est chère :
celle de l’échange des solitudes acceptées (image qui répond, sur le plan du
lien social, à celle de la route qui relie deux villes dans le désert sur le
plan physique…). Ecoutons Nietzsche, tel que l’évoque Raymond Ledrut : le
lien social « n’existe pas en dehors des rapports sociaux définis (une
structure de reliance à analyser en priorité. MBDB.) ; la pensée
critique doit s’exercer à plein sur une sociologie utopiste ou essentialiste
(le concept de reliance au sens large doit y aider, s’il est correctement
utilisé) ; il y a interdépendance et réciprocité de l’individuel et du
social ; l’individu n’est jamais qu’un imaginaire ; dans la société
contemporaine l’illusion de la personnalité et de la liberté est fort
répandue (l’individu est un être délié-relié) ; l’interrogation
critique est indispensable pour comprendre les nouvelles formes du lien
social et l’apparition de nouveaux types de solidarité (je tenterai de le
montrer dans quelques instants) ; l’individualisme (reliance à soi)
et l’atomisation (déliance sociale) ne doivent pas être confondues ;
l’individu est à la fois a-social et social (délié et relié, de façon
contradictoire et/ou complémentaire). Comment ne pas partager ce projet
d’anthropologie critique que nous propose Nietzsche ? Personnellement je m’y
reconnais entièrement. J’y retrouve les principes directeurs qui inspirent
ma vision de la reliance et mes raisons de proposer cette grille de lecture.
De la discussion entamée, je déduis qu’il me reste un important travail à
accomplir pour corriger le tir, pour expliciter l’implicite de mes postulats
anthropologiques, la spécificité et l’utilité du concept proposé.
La reliance : spécificité du concept
D’aucuns, au premier rang desquels Renaud
Sainsaulieu ont émis quelques doutes sur l’utilité et la spécificité du
concept : pourquoi créer un mot presque nouveau pour décrire une réalité
déjà habillée d’une garde-robe conceptuelle bien fournie ; appartenance,
intégration, aliénation, dépendance, dominance, adhésion, participation ne
constituent-ils pas une panoplie surabondante de concepts
psychosociologiques bien introduits en chaires ?
Ma conviction est que ce terme est utile,
nécessaire, qu’il exprime une réalité émergente, dont l’émergence est liée à
l’évolution du système social global et dont aucun des autres concepts ne
rend compte de façon réellement satisfaisante, c'est-à-dire avec une
précision suffisante.
Encore convient-il d’étayer cette
opinion, de justifier ce jugement, de démontrer la spécificité du concept de
reliance par rapport à ses concurrents ayant pignon sur rues académiques.
J’y ai consacré quelques analyses que,
faute de place, je ne peux songer à reprendre ou développer.
J’ai ainsi pu mettre en évidence que la
reliance ne pouvait être confondue, entre autres ni avec l’appartenance , ni
avec la dominance, ni avec l’affectivité.
Avec l’appartenance, tout d’abord.
Reliance et appartenance constituent deux réalités – deux états, deux
actions ou deux aspirations – qui, tout en possédant une partie commune (la
reliance en tant qu’appartenance à un groupe social particulier,
l’appartenance en tant qu’impliquant une certaine reliance) se dépassent
manuellement, se différencient par des traits spécifiques : la reliance peut
exister indépendamment de l’appartenance, l’appartenance exige d’autres
ingrédients que la reliance.
Avec la dominance et l’affectivité,
ensuite. Les relations sociales, les liens psychosociaux charrient la
plupart du temps des éléments de dominance et d’affectivité, mais ces deux
notions ne peuvent être confondues avec celle de reliance.
Chronologiquement, dans un échange social, la reliance intervient en premier
lieu au moment de la formation de la relation, alors que la dominance et
l’affectivité se développent lorsque la relation est nouée. La reliance ne
concerne que le fait de relier, d’être relié ou de se relier, non le désir
de dominer ou les sentiments affectifs qui peuvent le teinter d’une
coloration particulière. La démarcation entre ces deux concepts est
indispensable si l’on souhaite conserver à celui de « reliance » son
potentiel descriptif et analytique.
Le terme liens pourrait, lui
aussi, paraître adéquat pour décrire la création de liens sociaux.
Toutefois, il lui manque, par rapport au concept de reliance, trois
dimensions essentielles : sociologique (la « complémentarité » définie par
Eugène Dupréel), philosophique ( la reliance cosmique), psychologique (la
reliance à soi). D’autres termes, tels « interaction », « alliance »,
« relation » ou « interpersonnel » (à propos desquels Renaud Sainsaulieu
s’est demandé s’ils ne suffisaient pas à rendre compte de la réalité à
décrire) ne me paraissent guère exprimer, par eux-mêmes et de façon aussi
synthétique, les trois dimensions sociologiques du concept de reliance : la
médiatisation, la médiation et le produit. Au lecteur de juger et
d’apporter, s’il le veut, sa critique constructive : elle sera très
appréciée.
La reliance : utilité du concept
J’espère avoir laissé entrevoir, dans le
peu de place dont je dispose, la spécificité du concept. Reste à prouver son
utilité. Je considère que celle-ci se marque dans trois directions :
épistémologique (il s’agit d’un concept-charnière), heuristique (il permet
de comprendre et d’interpréter les avatars contemporains du lien social),
prospective (il traduit une dynamique de créativité potentielle).
La reliance, concept-charnière : liens sociaux et liens scientifiques
L’intérêt épistémologique du concept de
« reliance » et plus particulièrement de celui de « reliance sociale » me
paraît résider dans le fait qu’il se situe à l’articulation d’au moins trois
approches du lien social : une approche sociologique (la médiatisation du
lien social et la création de rapports sociaux complémentaires), une
approche psychologique (l’aspiration de nouveaux liens sociaux), une
approche philosophique (les liens manifestes ou latents entre reliance et
religion). Or la sociologie existentielle qu’à la suite d’Edouard Tiryakian
je souhaite voir s’élaborer progressivement
suppose une ouverture vers des disciplines complémentaires trop souvent
ignorées ou négligées : la philosophie et la psychologie notamment.
Ce que Jean Maisonneuve a écrit
à propos du concept « groupe de référence » me paraît applicable, mutatis
mutandis, au concept de « reliance » : « il s’agit d’un concept
charnière indispensable en psychosociologie, il permet de relier les
situations collectives où l’individu est sans cesse immergé (au sein de tel
groupe, près de tel compagnon) et les processus psychologiques qui confèrent
leur sens à ces situations en fonction d’une dynamique personnelle ».
La reliance, concept interprétatif : lien social et expérience
communautaire
Ce concept-charnière n’a pas qu’un
intérêt théorique abstrait. Il permet de rendre compte, et surtout
d’éclairer d’un jour nouveau des procès de reliance visant à la création de
liens sociaux nouveaux, en rupture avec les structures de reliance
instituées. A titre d’illustration, j’évoquerai brièvement le cas d’une
communauté contre-culturelle que j’ai pu étudier de façon privilégiée, en
lui appliquant une grille d’analyse inspirée du concept de « reliance ».
En 1971, quelques jeunes bruxellois,
marqués par leur expérience des événements de mai 1968, décident d’affirmer
leur rejet de la famille traditionnelle, de fonder une communauté, de mettre
en pratique les principes de la contre-culture, bref d’instituer entre eux
de nouveaux types de liens sociaux. Toutes leurs tentatives en ce sens
débouchent sur des échecs durement ressentis. Les liens sociaux anciens
opèrent un spectaculaire rétablissement : une quadruple restauration – des
valeurs, de la famille, du pouvoir, des rôles – illustre ce retour de la
culture dans la contre-culture, de la société dans la communauté. Retour de
la société qui entraîne un retour à la société : après trois ans, les
communards décident de mettre fin à leur expérience.
Comment pouvons-nous interpréter celle-ci
en termes de « liens sociaux » et de « reliance » ?
Ma thèse est que cette communauté, comme
la plupart des associations de ce type ayant fleuri dans l’après 68,
constitue le symptôme d’une réaction contre l’un des traits essentiels de la
société contemporaine, société de « déliance » marquée par la
désagrégation des groupes sociaux de base, par des carences de reliance
(dans la nature des liens sociaux). Au sein d’un tel système social naissent
et se développent des désirs de reliance : les individus isolés
souhaitent être reliés, c'est-à-dire liés à nouveau et liés autrement. Ils
caressent un rêve communautaire et élaborent un projet de reliance
(ou plus exactement un projet de contre-reliance) ; ils décident de créer
une famille communautaire, concrétisation de leur aspiration à la
reliance sociale ( stricto sensu : quête utopique d’un monde solitaire,
idyllique, signifiant, convivial). La contre-culture, ici, peut être
analysée comme une structure de reliance symbolique pour des
contestataires en rupture de ban sociétaire. Les manifestations extérieures
qu’elle inspire et qui l’expriment – les vêtements « hippies », les cheveux
longs, la drogue, la musique, le voyage – témoignent des liens qui
« relient » ses adeptes. Mais lorsque le projet prend corps, que
l’expérimentation communautaire de nouveaux liens sociaux et lancée, ce
procès de reliance met l’utopie à rude épreuve. Les communards
découvrent la nature paradoxale du lien social communautaire voulant se
relier entre eux, ils se délient du monde extérieur ; voulant se relier à
soi, ils découvrent leur solitude existentielle, leur déliance
fondamentale. L’utopie mise à l’épreuve devient épreuve initiatique pour ses
adeptes, occasion de développer leurs capacités de reliance : de
reliance à soi (un Moi renforcé car devenu capable d’affronter et de
surmonter l’angoisse de séparation), de reliance aux autres (capacité
de partager les solitudes, de négocier, de dialoguer, de s’affronter aux
autres), de reliance au système macro-social (prise de conscience des
réalités politiques et économiques) et au système micro-social
(apprentissage de l’autogestion). Rien à voir donc, bien au contraire, avec
d’éventuelles aspirations à des liens fusionnels. Ces capacités aiguisées de
la sorte, les communards se sentent mûrs pour dissoudre leur communauté,
pour assumer la déliance que cela représente, pour partir, forts de leur
maturité acquise, en quête de nouveaux liens sociaux, éventuellement
communautaires.
Point d’échec donc, malgré les apparences
et au grand dam d’esprits superficiels et/ou chagrins. Certes l’utopie d’une
reliance directe, immédiate, a reculé devant l’exigence d’une reliance
instituée. Certes cette dernière elle-même n’a pas survécu à ses
contradictions internes. Mais la rupture de la reliance communautaire
n’a pas entraîné la fin de la tentation communautaire, les liens créés et
expérimentés au cours de ce procès ont été tissés, de l’avis des intéressés,
dans un fil plus solide que ceux qui forment la trame de la reliance
commune, l’aspiration à la reliance communautaire, à un mode communautaire
de reliance est sortie renforcée de l’épreuve : elle est cette fois libérée
de l’infantile désir de liens sociaux fusionnels. Le concept de reliance,
avec ses multiples facettes, permet de comprendre et de relativiser les
divers désirs de reliance ainsi que leur dynamique.
La reliance, concept prospectif : notion-source et dialectique
transitionnelle
Atelier initiatique, pour individus en
miettes, la communauté – Gemeinschaft dont il vient d’être question
apparaît, d’un point de vue sociologique, comme un îlot de transition, un
microcosme, reflet de la société Gesellschaft où s’expérimentent des liens
sociaux nouveaux marqués – dans un premier temps du moins - par ce caractère
éphémère typique de l’air du temps, de l’ère du vide diront certains. Le
concept de reliance avec ses trois dimensions permet de saisir la
dialectique sociale à l’œuvre, ses tendances à la réification, ses effets
pervers et/ou paradoxaux : il fait saisir le lien social comme réalité
essentielle de toute démarche de transition, de créativité interpersonnelle
et institutionnelle. En ce sens, il n’est peut-être pas vain de formuler le
vœu que la « reliance » devienne un jour ce que Jean Maisonneuve appelle une
« notion-source transpécifique » : notion échappant à un seul champ
disciplinaire, notion médiatrice élaborée notamment par des
psychosociologues et se situant à la jonction du mental et du social, de
l’individuel et du collectif, « action-source » en ce qu’elle pourrait être,
comme d’autres du même type, à la fois matrice d’une série de notions qui
s’y rattachent en la spécifiant et l’axe d’un ensemble d’investigations
empiriques et de constructions théoriques à moyenne portée.
DE LA DELIANCE
Si le besoin de re-liance
se fait aussi sentir dans la société contemporaine, si des aspirations de
re-liance se font jour un peu partout, c’est qu’auparavant ont été
vécues, sous différentes formes, des situations de « dé-liance ». En
fait, le système social de la modernité peut être caractérisé comme un
système socio-scientifique de division et de déliance. Constatation qui
mérite que nous lui consacrions quelques instants de réflexion.
La société « raisonnante » : une société de déliances
Les qualificatifs utilisés pour
caractériser la société contemporaine sont légion : société de consommation,
société d’organisation, société bureaucratique, technocratique, répressive,
développée, industrielle, technicienne, informatisée, programmée, etc. Tous
renvoient d’une façon ou d’une autre à un trait qui me paraît fondamental :
il s’agit d’une société de raison, qui fonde son développement sur le
recours à la raison, à ce qu’elle croit être rationnel et/ou raisonnable. En
ce sens, elle peut, me semble-t-il, être qualifiée de société raisonnante,
de même que l’on baptise « folie raisonnante » un « délire appuyé de
raisonnements » (Robert).
Parmi ces « raisonnements » fondamentaux,
il en est un qui nous est inculqué depuis notre plus jeune âge, sous forme
de norme culturelle prégnante : diviser pour gagner. Qu’il s’agisse d’Horace
contre les Curiaces (diviser pour vaincre), de Machiavel contre les féaux de
son Prince (diviser pour régner), de Descartes contre les secrets de la Vie
(diviser pour comprendre), de Taylor contre les freinages ouvriers (diviser
pour produire), toujours est mise en avant par le biais parfois déformant de
mythes, de représentations simplifiées, de recettes compartimentales,
l’utilité de diviser pour dominer.
Cette société « raisonnante », fondée sur
le principe de division, d’émiettement, de « déliance » peut être analysée
par référence à la théorie des systèmes, plus particulièrement à la théorie
des systèmes socio-techniques ouverts.
Sous cet angle, elle apparaît comme un
système socio-scientifique, composé de deux sous-systèmes avec leurs
dynamiques propres mais étroitement interconnectées : un sous-système
scientifique et un sous-système social.
Le sous-système scientifique : la raison simplifiante
Le paradigme de la science occidentale
classique, construction rationaliste issue des œuvres de Descartes, implique
l’élimination de la subjectivité, l’exclusion du sujet. Il est fondé sur un
mythe, qui domine la plupart des sciences sociales : le mythe de l’homme
rationnel et réaliste, sans préjugés aux conduites appropriées grâce à
l’« information objective ».
La séparation entre le théoricien et le praticien, entre le chercheur et
l’homme d’action, trouve sa source dans cette distinction qui inspire le
rationalisme et le libéralisme : l’opposition entre les mythes et préjugés
d’une part, la représentation réaliste du monde d’autre part. Le sociologue,
dans cette perspective, est le produit de la production d’une société où
triomphe l’esprit raisonnant.
Mais ce cloisonnement n’est pas le seul
en cause. Le modèle rationaliste des rapports entre recherche et action,
inspiré de la pratique des sciences dites exactes, se traduit dans le
domaine des sciences humaines en général, de la sociologie en particulier,
par quatre clivages cruciaux.
D’abord un clivage entre la recherche
fondamentale (dite aussi – ce qui n’est pas un hasard – recherche
« pure ») et la recherche appliquée. La première est vouée
exclusivement à l’acquisition du savoir ; elle se désintéresse des
conséquences pratiques, sociales, de ses investigations : si le « savant »
s’en préoccupe, c’est en tant qu’homme privé, en tant que citoyen, non en
tant que chercheur. La recherche appliquée, elle, vise des fins pratiques,
non directement scientifiques, qui lui sont définies par la société globale
ou tel groupe social en particulier : sa tâche scientifique consiste, le
plus souvent, à déterminer les moyens adéquats pour atteindre ces fins.
Cette distinction, dérivée des sciences exactes, repose sur deux postulats
implicites : une conception statique, fixiste de la société, et une
perception de celle-ci comme dangereuse pour le chercheur (les finalités
sociales menacent la « pureté » des procédures et résultats de recherche).
L’illusoire « indépendance » du chercheur fondamental (illusoire car elle
s’acquiert en renonçant à étudier une part importante de la réalité sociale)
et la soumission non illusoire de l’« applicateur » à ses clients sont deux
attitudes qui se nourrissent réciproquement : l’une et l’autre camouflent
souvent une commune pratique de conservatisme social, dans la mesure où
elles évitent d’aborder les difficiles problèmes du changement social, dans
ses contradictions concrètes, quotidiennes, humaines.
Ensuite, un clivage entre le chercheur
et les structures sociales (groupes, organisations, institutions)
qu’il étudie. Pour être et « faire » scientifique, il s’agit de
« traiter les faits sociaux comme des choses ». Ici, rendons au passage
justice à Durkheim : celui-ci n’a jamais prétendu qu’il convenait de
transformer ou de réduire les faits à l’état de choses, de les « réifier »
comme aiment à dire et faire ses épigones technocrates-en-sociologie. Son
intention était essentiellement épistémologique. Sur ce plan, néanmoins,
elle est à la base du deuxième clivage signalé. Les manifestations de
celui-ci sont multiples et raffinées : vocabulaire ésotérique, langage
abstrait, érudition élitiste, laboratoire sophistiqué ; sur le terrain,
l’évitement de tout contact trop personnalisé avec le groupe, le recours à
des méthodes « non gênantes » pour le groupe étudié (comme s’il pouvait en
exister…). L’objectif avoué et valorisé est celui de la distance,
garantie soi-disant indispensable de l’objectivité scientifique.
Puis un clivage entre les concepteurs
et les exécutants d’une recherche, reflétant la division taylorienne du
travail industriel. Ce clivage est illustré par les titres universitaires
stigmatisant cette hiérarchie socio-professionnelle : docteurs et maîtres de
recherche d’une part, assistants et attachés de recherche d’autre part.
Très souvent, trop souvent, les « chercheurs » - c’est-à-dire ceux qui
procèdent au réel travail de recherche – sont très peu associés à la
conception de la recherche, à la formulation des hypothèses, à la
négociation des contrats. On a pu les qualifier d’ "O.S. de la recherche ".
Enfin,
des clivages psychologiques internes à la personne du chercheur,
entre sa personne
privée, sa personne professionnelle et sa personne civique, entre ses
observations et ses sentiments, entre son esprit et son corps. Ces clivages
sont renforcés par une prolifération d’interdits, normes intériorisées
reflétant le credo de la vulgate sociologique enseignée dans les
institutions dites scientifiques : ne pas se laisser troubler par ses
sentiments, ne pas les exprimer, ne pas influencer les sujets, ne pas
s’identifier aux fins du groupe, bref ne pas entrer en relation, ni avec les
autres, ni avec soi-même… Loin de moi l’idée de prétendre que ces normes
sont inutiles ou néfastes. Je souhaite seulement attirer l’attention sur le
fait que, suivies au pied de la lettre, avec zèle et sans nuances, elles
peuvent entraîner un considérable appauvrissement des hypothèses et des
résultats.
Ce modèle
rationaliste tend en effet à produire une connaissance atomisée,
parcellaire, réductrice, « dé-liée » en quelque sorte . Ainsi paraît-il en
être d’une certaine sociologie de la raison positive et quantitative,
analytique, élaborée sur la base d’enquêtes par questionnaires ou
interviews, de sondages d’opinions. A cela d’autres « rationalistes »
tentent d’opposer une sociologie de la raison négative et critique ,
plus qualitative et synthétique, à qui ils fixent comme objectif le
dévoilement des réalités – fonctionnement ou mouvement – latentes du système
social. Mais ce second courant rejoint le premier dans une même définition
de leur rapport à l’action. Pour eux, la connaissance sociologique,
du seul fait de son existence, porte en elle une transformation potentielle,
constitue une action qui se suffit à elle-même. Cette position minimaliste
est de plus en plus contestée par nombre de sociologues qui estiment
indispensable, sinon de développer ce potentiel d’action, du moins de
s’interroger sur la réalité et le sens de cette action, sur les effets –
éventuellement pervers – qu’elle peut avoir sur le sous-système social.
Le sous-système social : les rationalisations déliantes
Les diagnostics concernant notre système
social vont tous dans le même sens, nous vivons à l’ère de la foule
solitaire pour Reisman, de la fourmilière d’hommes seuls pour Camus, de la
solitude collective pour Martin Buber.
Emiettée, éclatée, désagrégée, morcelée,
sérialisée, telle apparaît notre société aux yeux des observateurs les plus
avertis. Tous ces épithètes renvoient à un phénomène de base : celui de la
désintégration communautaire, de la dislocation des « groupes sociaux
primaires » – la famille, la paroisse, le village, l’atelier – au sein
desquels se réalisait traditionnellement la socialisation des futurs
adultes. A la base de ce mouvement apparemment irréversible : la raison et
ses applications dans les domaines les plus divers, sous forme de
« rationalisations » scientifiques, techniques, économiques et sociales
(industrialisation, urbanisation, production et consommation de masse,
organisation « scientifique » du travail, etc.).
Mais cette raison-là est déraisonnable :
elle porte en elle le germe de ce qui peut être perçu comme une nouvelle
maladie, la déliance, conséquence de la rupture des liens humains
fondamentaux.
Cette rupture, dont souffrent les êtres
de notre temps, est polymorphe.
Ils ne sont plus reliés aux autres,
si ce n’est par des machines : la chaîne pour les producteurs, la télévision
pour les consommateurs.
Ils ne sont plus reliés à eux-mêmes :
les frénésies de la carrière, de la consommation, de l’information
surabondante ne leur laissent plus le temps de s’interroger sur leur être
profond, sur le sens de leur vie.
Ils ne sont plus reliés à la terre :
les espaces verts sont dévorés par le bitume des villes bétonnantes.
Ils ne sont plus reliés au ciel :
Dieu ne semble pas répondre aux appels angoissés qui lui sont adressés.
Déliés, déconnectés, disjoints, marqués
par ces carences de « reliance »,
ils apparaissent
comme le fruit social de leur propre
esprit, de leur propre science. La déliance sociale est l’enfant pervers de
la raison scientifique.
Les nouvelles technologies
accentuent dramatiquement ces phénomènes de déliance sociale, culturelle,
humaine. Elles sont porteuses d’une double réalité contradictoire,
paradoxale : elles développent la reliance technique mais dissolvent la
reliance humaine ; elles multiplient les possibilités d’informations et de
communications mais aggravent le problème de l’information et de la
communication.
Cette maladie de déliance – antérieure à
l’apparition de nouvelles technologies, mais rendue plus aiguë par leur
croissance exponentielle – se développe dans cinq directions :
socio-économique (l’emploi), socio-technique (le travail),
socio-psychologique (les communications), socio-organisationnelle (le
pouvoir), socio-culturelle (les solidarités sociales).
Une déliance socio-économique : l’emploi menacé
Le travail-emploi constitue, dans notre
système socio-économique, une structure de reliance fondamentale. Le
travail, en effet, relie la personne des travailleurs :
- extérieurement, à l’ensemble du système
de production (reliance socio-culturelle),
- intérieurement, à son instinct de
création (reliance psychologique).
Avoir un emploi, c’est avoir un sens
socio-économique, une existence socio-culturelle, une identifié
socio-culturelle. Perdre son emploi, c’est vivre la rupture d’une double
reliance, souffrir une double déliance.
En ce domaine, les prévisions sont très
incertaines. L’hypothèse la plus optimiste prévoit une croissance économique
à emploi constant et chômage accru : les nouvelles technologies sont donc à
l’origine d’un grave problème de déliance socio-économique.
Une déliance socio-technique : le travail
« rationalisé »
A bien des égards, les nouvelles
technologies ne constituent qu’une étape dans le profond mouvement de
rationalisation du travail sur lequel s’est construit le développement des
sociétés industrielles.
Mais ces nouvelles technologies
présentent sous cet angle une dimension originale : la rationalisation qui
leur est associée n’est plus seulement d’ordre technique, elle est aussi et
surtout sociale, socio-technique. Les nouvelles machines imposent à
l’homme non seulement leur temps, leur rythme, leur cadence, mais aussi leur
logique, leur langage, leur code. Elles s’interposent entre lui et sa
pensée, sa culture, sa liberté. Elles répandent un langage abstrait ; un
langage de signes, un jargon ésotérique. Ainsi l’activité informatisée
a-t-elle pu être qualifiée de « hiéroglyphique », sa transmission, son
traitement, sa destination finale demeurent inconnus.
Rien d’étonnant, dès lors, à constater ce
résultat paradoxal de la rationalisation : la rationalité absorbe et détruit
la raison. L’irrésistible progression de la rationalisation peut être
résumée dans une image : on est passé de la parcellisation du travail
industriel à l’abstraction du travail informationnel. L’informatisation du
tertiaire s’accompagne, dans certains cas, d’une « taylorisation » du
travail administratif.
Dans ce contexte se produit une coupure
des liens affectifs entre le travailleur et un travail abstrait : la
déliance socio-technique se double d’une déliance socio-psychologique.
Une déliance socio-psychologique : le travailleur
isolé
Nous touchons ici une dimension
essentielle du phénomène de déliance vécu par les travailleurs : la rupture
des relations interpersonnelles, la déchirure du tissu social avec pour
conséquence la naissance d’un sentiment d’isolement, de solitude.
Cet isolement est multiforme :
isolement face aux consoles d’ordinateur, dans des cabines de contrôle, même
pendant les pauses (il faut se relayer), isolement lié au travail posté (par
équipes séparées) ou au travail à domicile (grâce à la téléinformatique).
Cet isolement de fait est source d’une
solitude paradoxale : les hommes sont reliés par des techniques, non par
le corps ; ils sont connectés mais n’ont plus de relations (face-à-face).
Les techniques de communication tuent la communication. Au fur et à mesure
que croissent les reliances techniques, la reliance humaine, elle, décroît
(songeons à tous ces répondeurs automatiques qui envahissent notre vie
professionnelle et privée, ou encore au développement fulgurant des échanges
« virtuels » via le Minitel ou Internet…).
Les nouvelles technologies développent
les possibilités de communications fonctionnelles (les notes et informations
circulant dans le système de production), au moment même où elles freinent
les communications existentielles (les plus signifiantes en matière de
reliance). Le comment communiquer l’emporte sur le quoi communiquer.
La rationalisation, une fois de plus, se
révèle irrationnelle : le succès des clubs et autres « groupes de
rencontre », paradis plus ou moins artificiels d’échanges, de reliance et
d’initiation, ne témoignent-ils pas du refoulement socio-culturel imposé par
la logique aveugle des nouvelles technologies ?
Une déliance socio-organisationnelle : le pouvoir
éclaté
Un trait commun aux trois phénomènes de
déliance déjà évoqués : le sentiment d’une perte de pouvoir réelle ou
potentielle qu’éprouvent les usagers de nouvelles technologies.
Cette perte de pouvoir est réelle dans la
mesure où la rationalisation entraîne un déclin de l’autonomie
professionnelle non seulement des ouvriers d’entretien, des employés de
bureau, des cadres en procès de prolétarisation : tous perdent le pouvoir
qu’ils possédaient ou croyaient posséder au sein des structures anciennes.
La source de toutes ces déliances entre
les ouvriers et leurs œuvres, entre les travailleurs, est à rechercher moins
dans les innovations technologiques, que dans un système d’organisation
(système structurant les relations de pouvoir) fondé sur une logique de
division, de séparation, de déliance (division du travail, séparation de
la pensée et de l’exécution, éparpillement des groupes sociaux, éclatement
des structures de pouvoir) : en ce sens nous pouvons parler à juste titre
d’une déliance socio-organisationnelle, réalité sous-tendant les phénomènes
si souvent évoqués de la crise de l’autorité et de la crise de générations…
Une déliance socio-culturelle : les solidarités
disloquées
Ce type de déliance marque tout
particulièrement la classe ouvrière et les organisations syndicales qui
souhaitent en canaliser l’énergie.
Les nouvelles technologies isolent les
travailleurs, déchirent le tissu social, diversifient les espaces et temps
de travail, multiplient les catégories professionnelles : en cela elles
réduisent les possibilités d’actions collectives, de situations
fusionnelles où par contagion se construit l’esprit de corps, de solidarité
affective et effective, de prise de conscience des rapports de classe, bref
d’initiation aux luttes sociales. La classe ouvrière, dans les
représentations dominantes véhiculées par les nouveaux média, cesse d’être
une foule en lutte au coude à coude pour devenir une somme de travailleurs
individuellement interrogés par sondages.
Face à cette déliance polymorphe,
naissent et croissent des aspirations de re-liance, en particulier
ces aspirations de reliance sociale évoquées un peu plus haut: les
individus déliés, isolés, séparés, aspirent à être reliés, et à être reliés
autrement. Ces aspirations émergentes constituent, me semble-t-il, un enjeu
social crucial pour notre société, pour nos politiques sociales… Enjeu
actuellement pris en charge par le mouvement écologiste, dont les récents
succès électoraux méritent à cet égard d’inciter à la réflexion.
En quête d’une société raisonnable : pour un
système socio-scientifique d’alliance et de reliance
Libérés de la nature par l’usage de la
raison et de la science, les hommes de notre temps deviennent prisonniers de
leur culture rationaliste et scientifique. De plus en plus reliés par leurs
techniques – la voiture, la radio, la télévision, le téléphone, la chaîne,
l’ordinateur – ils le sont de moins en moins par les structures sociales. La
spécialisation scientifique se prolonge dans le travail en miettes, la
famille en lambeaux, le village en ruines. Désintégration atomique et
désintégration communautaire ne sont que les deux faces d’un même phénomène.
Surgit alors des profondeurs du corps social une aspiration profonde – dont
la revendication écologique constitue une manifestation d’avant-garde – à un
renouveau de reliance, à de nouvelles alliances entre l’homme
et la nature, entre l’homme et les sciences, à une société (réellement)
"raisonnable ", c'est-à-dire, si nous ouvrons à la fois le dictionnaire et
nos oreilles, « douée de (vraie) raison ».
Les mutations du sous-système scientifique : raison complexe et
nouvelles alliances
La science, aujourd’hui, est à un
tournant. Une mutation radicale germe en son sein. Cette mutation se prépare
tant dans le champ des sciences dites « exactes » que dans celui des
sciences dites « humaines ».
Dans le champ des sciences de la nature,
cette « métamorphose de la science » est annoncée par Ilya Prigogine et
Isabelle Stengers, qui ont fait de ce thème le sous-titre de l’ouvrage dans
lequel ils plaident en faveur d’une Nouvelle Alliance entre l’homme
et la nature, entre l’homme et le monde qu’il décrit, entre système
observateur et système observé, entre culture scientifique et culture
humaniste, voire entre les diverses cultures scientifiques.
Dans le même sens se situe l’effort d’Edgar Morin pour échapper à la pensée
mutilée et mutilante, pour réintégrer le sujet dans le paradigme de la
science, à la fois par le haut (l’observateur-concepteur) et par le bas (l’observé-conçu) ;
ou, en d’autres termes, pour substituer au paradigme de simplification un
paradigme de complexité, pour nourri celui-ci des ambiguïtés, des paradoxes,
des contradictions, des incertitudes rejetées par celui-là.
Dans le champ des sciences de l’homme
également, une métamorphose du travail scientifique est en gestation. Pour
nous limiter à la sociologie, nous pouvons constater que deux éminents
sociologues français, Michel Crozier et Alain Touraine, tous deux élevés
dans le sérail de la théorie théorisante, en arrivent dans des perspectives
et par des chemins différents à des conclusions convergentes.
Tous deux tentent de se définir par
rapport à l’inévitable problématique de l’action dans, sur et avec les
systèmes sociaux ; tous deux voient dans le développement des capacités
relationnelles et institutionnelles des groupes, organisations et mouvement
sociaux un des objets du travail sociologique. A côté de la sociologie
classique à orientation théorique, émerge ainsi peu à peu une socianalyse
( même si référence sémantique n’y est point faite), c'est-à-dire une
sociologie à orientation clinique, proliférant dans au moins neuf directions :
l’intervention socio-technique préconisée par l’Institut Tavistock de
Londres,
l’intervention socio-psychanalytique imaginée par Gérard Mendel,
l’intervention psycho-sociologique inspirée par Kurt Lewin et reprise par
Max Pages,
l’intervention socio-analytique inventée par Elliot Jaques,
l’intervention socio-pédagogique animée par Alain Meignant et René Barbier,
l’intervention socio-clinique défendue par Eugène Enriquez et Vincent de
Gaulejac,
l’intervention socio-organisationnelle chère à Michel Crozier,
l’intervention socio-historique illustrée par Alain Touraine,
l’intervention socianalytique proprement dite lancée par les époux Van
Bockstaele, à qui il convient de reconnaître la paternité de l’expression.
La métamorphose de la science implique
donc plusieurs nouvelles alliances : non seulement entre l’homme et
la nature, entre sciences de l’homme et sciences de la nature, mais aussi
entre les diverses sciences de l’homme (sociologie, psychologie, économie,
histoire…), entre théorie et pratique, recherche et action,
expérimentation et expérience.
La mutation du sous-système social :
aspirations de reliance et aspirations de nouvelles structures de reliance
A ces besoins de « nouvelles alliances »
dans le champ scientifique correspond le besoin de nouvelles reliances
dans le champ social.
Les producteurs écrasés par l’anonymat
des grandes organisations bureaucratiques, les consommateurs affolés devant
les tentatives de la société de l’hyper-choix, les citoyens perdus dans la
foule solitaire partent en tâtonnant à la recherche de nouveaux liens
sociaux, expérimentent de nouvelles structures de reliance : communautés
familiales, comités de quartiers, boutiques de droit, écoles nouvelles,
médecine de groupe, alcooliques anonymes, associations et sectes diverses.
Les « révolutions minuscules », comme les a qualifiées un jour la revue
Autrement.
Ainsi, à côté d’un vaste secteur où règne
l’hétéronomie tend à émerger un secteur où l’autonomie s’offre un espace
pour prendre racine,
en contrepoint de l’irrésistible processus de déliances se tissent de
nouvelles reliances…
Résumons-nous.
Notre société comporte deux sous-systèmes
avec leurs dynamiques propres, étroitement interconnectées : un sous-système
scientifique et un sous-système social.
Le sous-système scientifique est marqué
par le triomphe de la raison simplifiante ou du paradigme de simplification,
pour reprendre l’expression d’Edgar Morin : il tend à produire une
connaissance atomisée, parcellaire, réductrice, bref de la déliance
intellectuelle.
Le sous-système social, lui, peut être
décrit comme celui des rationalisations déliantes : caractérisé par la
désintégration communautaire, par la dislocation des « groupes sociaux
primaires – la famille, le village, la paroisse, l’atelier – et par des
applications déraisonnables de la raison scientifique, technique, sociale et
culturelle : il produit une déliance existentielle aux multiples
dimensions (psychologique, sociale, économique, écologique, ontologique,
cosmique).
Des aspirations de reliance
Face à ce double procès de déliance –
intellectuelle et existentielle – naissent des aspirations à de nouvelles
re-liances, à la fois scientifiques et humaines.
Des re-liances scientifiques :
sont souhaités de divers côtés de nouveaux liens entre théorie et pratique,
recherche et action, entre disciplines trop souvent cloisonnées.
Des re-liances humaines : sont
révélateurs d’aspirations de ce type, l’attrait exercé par les sectes, les
communautés, les luttes nationales, le mouvement écologiste, les groupes de
rencontre, bref cette résurgence d’une sorte de néo-tribalisme mise en
évidence par Michel Maffesoli.
La déliance, paradigme de la modernité
La modernité, fondée sur l’essor de la
raison, s’est construite – nous l’avons vu - sur le principe de séparation,
voire de division : diviser pour comprendre (Descartes), diviser pour
produire (Taylor), diviser pour régner (Machiavel). Raison abstraite et
déraisonnable, elle est devenue source de déliances multiples : culturelles,
urbaines, familiales, religieuses, écologiques, etc., bref de cette solitude
existentielle dénoncée de divers côtés (Riesman, Camus, Buber, …), de cette
« dé-solation » stigmatisée par Hannah Arendt. En quelque sorte le paradigme
de déliance gît au cœur de la modernité triomphante, à la fois facteur de
son triomphe et générateur de la fragilité de ce dernier.
La reliance, paradigme de la post-modernité ?
Michel Maffesoli, lui, défend avec force
la thèse suivante si le paradigme de déliance structure la modernité, la
post-modernité, en revanche, devrait être caractérisée par la revitalisation
du paradigme de reliance.
Cette thèse, il l’a exposée, argumentée,
plaidée dans ses nombreux ouvrages.
N’est-ce pas lui qui définit la « reliance » comme l’« étonnante pulsion qui
pousse à se rechercher, à s’assembler, à se rendre à l’autre »
et qui évoque « cette chose « archaïque » qu’est le besoin de reliance » ?
Pour lui, les manifestations de cette logique de reliance à l’œuvre dans la
société post-moderne sont multiples, variées et signifiantes. Il range
notamment parmi elles le retour des tribus, l’exacerbation des corps et des
sens,
l’idéal communautaire,
l’essor de l’écologie, la vitalité de la socialité, l’idée obsédante de
l’être ensemble,
les identifications supplantant les identités, le présentéisme, le carpe
diem,
l’immoralisme éthique, le lococentré s’élevant face à l’égocentré, la
baroquisation du monde, la prégnance des images,
le rôle du look et de la mode, l’exacerbation de la mystique et de la
religion,
le règne de Dionysos le reliant succédant à celui d’Apollon le déliant.
S’inscrivant dans la mouvance des idées développées par Gilbert Durand et
Edgar Morin, il détecte dans la post-modernité et son effervescence la fin
de la séparation entre nature et culture, l’émergence du « divin social »,
l’épanouissement de la reliance comme forme profane de religion, d’une sorte
de transcendance immanente.
Le couple conceptuel déliance/reliance, paradigme « duel » de l’hypermodernité
Pour l’essentiel, je partage cette
analyse. D’accord pour reconnaître que la reliance se situe au cœur de cette
dynamique « post-moderne » chère à Michel Maffesoli et quelques autres.
Projets et pratiques de reliance comme réaction dialectique aux excès de la
modernité déliante. Mais j’avoue ne guère apprécier cette théorie de la
« post-modernité », laquelle semble suggérer – ne fût-ce que sémantiquement
– qu’à une modernité déclinante succéderait une « post-modernité » reliante.
En fait la logique déliant même si elle génère maintes réactions
dialectiques. Aussi suis-je plutôt enclin à parler de la société émergente
comme d’un exemple d’« hyper-modernité », terme construit par le même
modèle que ceux d’« hypercomplexité » développé par Edgar Morin
et d’« entreprise hyper-moderne » avancé par Max Pages
pour décrire des réalités en gestation au sein même de la modernité, et de
sa culture fondée sur une logique de déliance.
Au cœur de cette « hyper-modernité », je
crois observer l’émergence d’un nouveau paradigme, celui du couple
conceptuel indissociable déliance/reliance, synthèse dialectique (ou
paradoxe dialogique) de la modernité déliante et de la post-modernité
reliante. Déliance et reliance sont ontologiquement inséparables, elles
forment un couple « duel »
comme le jour et la nuit, le Yin et le Yang, l’amour et la haine, le moteur
et le frein, l’interdit et la transgression, le centre et la périphérie,
etc.
Mes recherches et réflexions les plus
récentes m’ont amené à considérer que plus que le seul concept de reliance,
c’était le couple conceptuel déliance/reliance qui pouvait le mieux
rendre compte des réalités humaines contemporaines : la reliance ne peut –
théoriquement et pratiquement – être dissociée de la déliance, son double
antagoniste et complice. La reliance est une réalité « duelle », dialogique
et paradoxale : avec la déliance, qui lui est toujours liée, elle forme un
couple soumis à des logiques différentes et complémentaires, toutes deux
nécessaires à l’existence de la vie psychique, sociale et culturelle.
Finalement, compte tenu de ce que je
viens de dire à la fois sur la dualité du complexe conceptuel
déliance/reliance et sur la notion d’hypermodernité, j’ai envie de délier
les deux parties de cette dernière et d’avancer – de façon un peu
caricaturale, j’en conviens – l’idée que, en son sein, un double paradigme
est à l’œuvre : celui de la reliance pour l’« hyper », celui de la
« déliance » pour la « modernité » toujours active. Le paradigme éthique de
l’hyper-modernité serait donc celui de la déliance/reliance.
Ce paradigme reflèterait les
problématiques particulières des sociétés hyper-modernes marqués par
l’éphémère, le mobile, le léger, la glisse, le surf, la dilatation de
l’espace (chacun potentiellement relié à tous les points du monde) et le
rétrécissement du temps (l’intensité de l’instant présent) : délier des
contraintes dysfonctionnelles, relier ceux qui éprouvent le besoin lucide
d’une telle « reliance »..
DE LA « LIANCE »
Demeure alors la question du troisième
terme, de la troisième notion sociologique venant compléter notre triangle
conceptuel : la « liance ».
D’où sort-elle, et quelle peut bien être
sa signification épistémologique ?
Le secret de la « liance »
C’est Jos Tontlinger qui a été le premier
à noter
l’étonnante absence, dans mes premiers écrits, de la notion de « liance »,
probable ancêtre commun des termes « dé-liance » et « re-liance ». Celui-là
constitue logiquement la racine sémantique de ceux-ci. Tant la « dé-liance »
que la « re-liance » suggèrent l’existence d’un lien ancien (l’énigmatique
« liance »), qui aurait été dé-fait et qu’il s’agirait de re-trouver
afin de reconquérir la liance perdue (ou fantasmée), des actes de re-liance
seraient posés, mus par un désir de re-liance, de surmonter les dé-liances
subies…
Mais alors quel serait cet état
antérieur, cette situation de pré-déliance, cette « liance » originaire ? A
cette question, Francine Gillot-de Vries, psychologue spécialiste du
développement de l’enfant, apporte un début de réponse et ouvre un champ de
réflexion potentiellement fécond lorsqu’elle évoque
la « liance » physique et psychique qui unit de façon « cet état de
bien-être éprouvé dans le ventre maternel » qui va être interrompu au moment
de la naissance, lors de cette première et brutale « dé-liance » physique et
psychique, lors de cette sorte de « dé-ception », dialectiquement et
dialogiquement liée à l’événement de la conception. La « liance », état du
foetus fusionné et fusionnant avec la mère, croissance d’un être indistinct
mais tendant à se distinguer, est donc bien à la fois physique et
psychique : physique pour répondre aux lois de la biologie, psychique en ce
qu’elle constitue un des traits spécifiques de la maternité. En avançant
ainsi l’idée d’un état et d’un processus de « liance », la psychologie
n’est-elle pas en mesure d’enrichir la théorie sociologique de la reliance ?
Ne pourrions-nous considérer qu’à l’inverse de la reliance définie
par la création ou la recréation de liens sociaux médiatisés, la « liance »,
elle, concernerait essentiellement des liens humains immédiats, non
médiatisés (ou médiatisés par l’une des composantes du lien lui-même : le
corps de la mère, le cordon ombilical) ? En d’autres termes : le corps
maternel constituerait une structure de (re)-liance sans tiers
médiateur. Sans doute d’aucuns seront-ils tentés de parler de reliance
fusionnelle, expression non exempte des contradictions conceptuelles
(dans la mesure où la reliance, dans une perspective normative,
serait – telle est du moins ma conception – caractérisée par l’acceptation
de la séparation, des différences de la solitudes… bref d’inévitables
déliances) : à cet égard, le terme « liance » paraît plus pertinent
pour rendre compte de la réalité physique et psychique vécue durant la
grossesse par la future mère et le futur enfant. Dans la foulée de cette
expérience, la naissance ne peut manquer d’être éprouvée comme un double
choc : la fin d’un monde et la création d’un nouveau monde, la sortie de
l’existence intra-utérine et l’entrée dans la vie, l’adieu à la liance
et l’expérience de la déliance. Double choc qui dès lors va nourrir
la nostalgie des temps révolus, les permanentes quêtes de reliance
enracinées dans ce vécu de dé-liance et le subséquent besoin de
re-liance : toute la vie de l’individu n’est-elle pas marquée par le
puissant désir de retrouver le paradis perdu de la liance originelle,
par l’utopie de l’éternel retour à cette union symbiotique, par l’insatiable
recherche de cette relation privilégiée à jamais enfuie (et enfouie) via une
série de démarches conscientes et inconscientes, à travers le sexe, la
religion, la nature, l’art, les drogues, la méditation, etc ? L’union est
rêvée comme béatitude, la séparation crainte comme menace. Et pourtant nous
ne cessons de nous éloigner de l’une (la liance) pour affronter
l’autre (la déliance). Le besoin de devenir un être distinct (dé-lié),
libéré des liens qui ligotent, est aussi prégnant que le désir de fusionner
à jamais (désir de liance… et donc de re-liance).
L’apparition de cette nouvelle notion de
« liance », en particulier sous l’impulsion de psychologues, suscite
un fascinant écho lorsque nous écoutons les propos du sociologue et
philosophe Edgar Morin.
Lui aussi fait spontanément appel à l’idée de « liance ». Mais,
fidèle à ses options épistémologiques, il est tenté de lui octroyer un sens
métaphysico-cosmogonique : pour lui, cette notion évoque le vide primitif,
une entité primordiale caractérisée par un état d’indifférenciation.
Evoquant la Kabbale, (« le retrait de Dieu amène la rupture des vases de
perfection »), il nous rappelle qu’au début de celle-ci il est écrit : « Au
commencement, Elohim sépara la lumière des ténèbres ». Notre monde est donc
bien marqué de l’origine par la rupture et la séparation… atavisme qui
génère notre obscure aspiration à la « re-liance », à retrouver
quelque chose non point identique, mais similaire à la « liance »
originaire car le problème, selon lui, c’est l’union du séparé et de
l’inséparable : « nous espérons retrouver quelque chose dont nous sommes
maintenant séparés, mais qui nous rende inséparables… La reliance n’abolira
pas la séparation, mais la transformera ».
En cela, les conceptions d’Edgar Morin
rejoignent la définition normative de la reliance sociale telle que
je l’ai formulée à plusieurs reprises : « le partage des solitudes
acceptées, l’échange des différences respectées, la rencontre des valeurs
assumées, la synergie des identités affirmées… ».
Repères bibliographiques
Ouvrages
Nombreux sont les ouvrages traitant de
divers aspects de la reliance. Le lecteur intéressé trouvera une liste de
ceux-ci à la fin du deuxième tome du livre le plus complet publié sur la
question :
Marcel BOLLE DE BAL (ed.), Voyages au
cœur de sciences humaines. De la reliance, Paris, L’Harmattan, 1996.
Avec notamment des contributions de René Barbier, Geneviève Dahan-Seltzer,
Eugène Enriquez, Alain Eraly, Franco Ferrarotti, Vincent de Gaulejac,
Francine Gillot-de Vries, Salvador Giner, Véronique Guenne, Vincent Hanssens,
Monique Hirschhorn, Françoise Leclercq, Michel Maffesoli, Carlo Mongardini,
Edgar Morin, Max Pages, René Passet, Guy Rocher, Renaud Sainsaulieu,
Marc-Henri Soulet, Evelyne Sullerot, György Szell, Gabriel Thoveron, Liliane
Voyé.
Le premier livre consacré à cette notion
a été : Marcel BOLLE DE BAL, La tentation communautaire. Les paradoxes de
la reliance et de la contre-culture, Bruxelles, Edit. de l’Université de
Bruxelles, 1985.
Parmi ceux traitant spécifiquement des
thèmes de la reliance, on retiendra plus particulièrement, en plus de ceux
cités en cours d’article.
Jean-Louis DARMS et Jean LALOUP,
Interstances, communiquer à contre-sens, Louvain-la- Neuve, Cabay,
1983.
Michel MAFFESOLI, Au creux des
apparences. Pour une éthique de l’esthétique, Paris, Plon, 1990.
Michel MAFFESOLI, La transfiguration
du politique. La tribalisation du monde, Paris, Grasset, 1992.
Michel MAFFESOLI, La contemplation du
monde. Figures du style communautaire, Paris, Grasset, 1993.
Edgar MORIN, Terre-Patrie, Paris,
Seuil, 1993.
Edgar MORIN, Mes démons, Paris,
Stock, 1994.
Edgar MORIN, Reliances,
La Tour d’Aigues, Ed. de l’Aube, 2000
Renaud SAINSAULIEU, Des
sociétés en mouvement. La ressource des institutions intermédiaires,
Paris, Desclée de Brouwer, 2001
Evelyne SULLEROT, Pour le meilleur et
sans le pire, Paris, Fayard, 1984.
Gabriel THOVERON, Radio et télévision
dans la vie quotidienne, Bruxelles, Ed. de l’Institut de Sociologie de
l’ULB, 1970.
Articles de l’auteur
Ce thème a été développé en ses diverses
dimensions dans une cinquantaine d’articles. Ne seront repris ici que les
plus significatifs d’entre eux.
« Nouvelles alliances
et reliance : deux enjeux stratégiques de la recherche-action », Revue de
l’Institut de Sociologie, 1981/3, pp. 573_587.
« Reliance :
Connexions et sens », Connexions, 1981,n°33, pp. 9-36.
« Société éclatée et
nouveau travail social », Revue Française de Service Social »,
1984, n°141-142, pp. 43-57.
« Dédramatiser
l’informatique : formation et stratégie de reliance », Bulletin de l’IDATE,
Montpellier, mai 1986, pp. 155 ;160.
« Aspirations au
travail et expérience du chômage : crise, déliance et paradoxes », Revue
Suisse de Sociologie, 1987/1, pp. 63-83.
« Au cœur du temple :
une expérience de reliance ou la tribu retrouvée », Sociétés,
1989/9, pp.11-13.
« La reliance ou la
médiatisation du lien social : la dimension sociologique d’un
concept-charnière », in Le lien social, ( Actes du XIIIe Congrès de
l’AISLF ) , Genève, Université de Genève, 1989, pp. 598-611.
« Devoir-vieillir et
vouloir-devenir », Revue Internationale d’Action Communautaire,
Montréal, 1990, n°23/63, pp. 47-55.
« De l’esthétique
sociale à la sociologie existentielle : sous le signe de la reliance »,
Sociétés, 1992, n°36, pp. 169-178.
« Maffesoli le
réenchanteur : du creux des apparences au cœur des reliances » Cahiers
de l’Imaginaire, 1992, n°8, pp. 143-156.
« La reliance : enjeu
crucial pour le travail social », i Marc-Henry Soulet (ed.), Essai de
définition théorique d’un problème social contemporain,, Fribourg (
Suisse ), 1994, pp.41-57.
« Pour une
psychosociologie du syndicalisme », Revue Internationale de
Psychosociologie, 1996, n°4, vol.III, pp. 151-162.
« La consultance
sociologique et socianalytique », in Claude Beauchamp (ed.), Démocratie,
culture et développement en Afrique Noire , Paris , l’Harmattan, 1997,
pp. 299-308.
« Reliance, Médiance,
Interstances : le R.M.I. de l’hypermodernité, Les Cahiers de
l’Imaginaire, n° 14-15, ( Martine Xiberras ed.) , 1997, pp.
119-126.
« Transaction et
reliance. La rencontre de deux concepts complémentaires », in M.F.Freynet,
M.Blanc et G.Pineau (eds.), Les transactions aux frontières du social,
Lyon, Chronique Sociale, 1998, pp.43-55.
« Déliance, reliance, alternance : de la complexité initiatique ou de
l’initiation à l’hyper-complexité », in Pierrette Lhez, Dominique Millet et
Bernard Séguier (eds.),
Alternance et
complexité en formation. Education, Santé, Travail social,
Paris, Ed. Seli Arslan, 2001, pp. 149-157.
Pour être
partiellement complet, il convient de citer ceux des récents ouvrages de
l’auteur dans lequel le lecteur intéressé pourra trouver maintes analyses
articulées autour des notions de reliance et de déliance :
Wégimont ou le château des relations humaines . Une expérience de formation
psychosociologique à la gestion ( un séminaire de sensibilisation aux
reliances), Bruxelles , Presses Interuniversitaires Européennes (PIE), 1998.
La
Franc-Maçonnerie, porte du devenir. Un laboratoires de reliances,
Paris, Detrad, 1998.
Les
adieux d’un sociologue heureux. Traces d’un passage, Paris, L’Harmattan,
1999 ;
Le
sportif et le sociologue. Sport, individu et société, Paris, L’Harmattan,
2000 ( avec Dominique Vésir)
Thèses et mémoires ayant la reliance comme concept de base
Bernard de BECKER, Croyance et
reliance. Le cas du New Age, Université Catholique de Louvain,
Louvain-la-Neuve, 1996.
Marie-France FREYNET, Exclusion et
lien social. Eléments pour une approche des médiations du travail social,
Université de Tours, Sciences de l’Education, 1992.
Marie-Pierre GAYERIE, Dynamique de la
reliance sociale. Approches sur quelques formes personnelles de la socialité
chez les jeunes, Paris, Université de Paris V, Sorbonne, 1992.
Jean-Louis LE GRAND, Etude d’une
communauté à orientation thérapeutique. Histoire de vie de groupe,
perspectives sociologiques, Paris, Université de Paris VIII, 1987.
Frédérique LERBET-SERENI, De la
relation paradoxale au paradoxe de la relation. Le travail du versus.
Contribution à une éthique de l’accompagnement, Université de Tours,
1997.
Jacqueline ROFESSART, De
l’appropriation à la gestion des espaces de travail. Stratégies adaptatives
au sein d’une organisation, Bruxelles, Université Libre de Bruxelles,
Faculté des Sciences Psychologiques et Pédagogiques, 1984.
Dominique VIOLET, Analogie et
complexité, Université de Pau, 1999.
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