L'animation en France et ses analogies à l'étranger
théories et pratiques - état de la recherche
RAPPORT ATELIER A


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Animation, citoyenneté et démocratie.

Rapport établi par Sophie DARGELOS, déléguée régionale des Francas

 

Les contextes dans lesquels nous intervenons, dans lesquels interviennent les animateurs participant à cet atelier ne sont pas les mêmes ; les contextes politiques, économiques, sociaux et culturels divergent d’un continent à un autre.

Les problématiques, les enjeux, les urgences ne sont pas les mêmes en Amérique Latine et en France.

« Comment se centrer sur un projet culturel alors que le public, les enfants auxquels on s’adresse, sont atteints de dénutrition, n’ont pas de toit, ont vu mourir leur père ? » , demande un des intervenants de l’atelier.

 

C’est dans ce constat-là, dans cette ambiance que s’est déroulé notre atelier.

 

Nous avons pris peu de temps pour nous mettre d’accord sur ce qu’était la citoyenneté ; j’y reviendrai plus avant avec deux approches de deux intervenants, deux approches originales.

Par contre, nous avons largement débattu du rôle, du sens de l’éducation populaire, de l’action populaire, justement dans des environnements différents.

Enfin je finirai mon compte-rendu, en revenant sur « les mots », les mots qui rythment semble-t-il l’action des animateurs, des intervenants de notre atelier, les mots qui favorisent l’émergence d’une citoyenneté active.

 

 

Citoyenneté, citoyennetés.

 

Citons quelques éléments pour décrire «  la citoyenneté », pour mieux l’appréhender, sachant que ces quelques approches n’ont pas été discutées par le groupe, faute de temps…

 

La citoyenneté, un concept malmené.

 

On parle aujourd’hui de citoyenneté participative, de citoyenneté alter-mondialiste… Il nous faut accoler deux termes pour en définir un, comme si le terme de citoyenneté ne se suffisait pas à lui-même,  ne pouvait plus s’utiliser seul.

 

La citoyenneté en creux.

La citoyenneté est d’abord exprimée par un creux, par des manques, chez les publics auxquels s’adressent les animateurs de l’atelier :

-          c’est l’expression d’une souffrance, de souffrances,

-          c’est l’expression d’un rapport oppressant à l’espace social.

 

Des approches diverses.

Les approches de  la citoyenneté sont diverses et multiples ; pour nous, animateurs, il s’agit alors de choisir parmi cette diversité, voire de combiner plusieurs entrées.

Je citerai quelques-unes de ces approches ;

-          la citoyenneté argumentative, celle qui installe un dialogue entre militance et propositions, un dialogue entre classes, cultures et savoirs,

-          la citoyenneté qui permet la mise en «  mouvement », qui favorise l’élaboration d’actions dérangeantes,

-          la citoyenneté qui permet le maillage de liens sociaux sur une base locale ; celle-ci favorise tout à la fois le réaménagement des espaces, la défense des droits, jusqu’à la dissidence et la protestation collective,

-          enfin, une conception pluraliste de la citoyenneté, où les appartenances, les origines ne sont pas gommées, les différences sont valorisées. Mais, cette conception est loin d’être partagée.

 

 

Citoyenneté et dignité humaine.

 

Je finirai par cette approche de la citoyenneté, approche sans doute un peu décalée, mais qui peut valablement éclairer notre réflexion.

 

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 nous dit : « les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits ».

 La dignité est une notion qui apparaît récemment dans le champ normatif, d’abord, puis dans le champ du social.

La dignité est ce qui vise à éviter l’exclusion de l’être humain, est une tentative de définition de ce qui fait l’essence de l’humanité.

Elle peut être un élément structurant pour l’action de l’animateur, à condition toutefois de ne pas seulement l’associer au terme de liberté, mais de faire effectivement rimer dignité et égalité. Alors, la dignité est une acception possible de la citoyenneté.

 

 

L’éducation populaire, vectrice de transformation sociale ?

 

Les participants à l’atelier ont largement débattu du sens, du rôle des mouvements d’éducation populaire.

 

Education populaire : transformation ou réparation ?

 

Nous sommes partis des «  Mères de la place de mai », symboles, flammes que le capitalisme ne peut éteindre, ce capitalisme  qui les baptise «  les folles de la place de mai ».

Les mères de mai ont rêvé, ont souhaité la mise en place d’une université Populaire.

Ici, l’éducation populaire est un espace de dialogue, d’espoir, pour changer la réalité.

L’éducation populaire est en Argentine, en Amérique Latine, un instrument de libération, d’organisation de la rébellion.

La construction collective de la connaissance s’attache à développer un regard critique, à installer un lien actif avec la pensée révolutionnaire et marxiste.

Les acteurs de l’éducation populaire entendent porter haut et fort un rêve et un idéal.

 

 

A ces propos, nombre de participants ont réagi, étonnés, curieux, satisfaits…

 

-          Y aurait-il encore, en Amérique Latine, une conception de l’éducation populaire, ressortant d’un modèle daté, celui des années 60 ?

-          Il y aurait  encore des militants qui rêvent, qui veulent changer le monde ! Chez nous, en France, on n’y croit plus, on n’ose plus le faire… et les acteurs français de faire part de leurs désillusions, de leurs désenchantements… L’esprit revendicatif ne serait plus.

 

En France, nous serions davantage dans une logique de réparation. Mais entre réparation et transformation, y-a-t-il une telle différence, une vraie opposition ?

Accompagner un public dans une action de réparation ou de transformation procèderait du même mode opératoire. Il y a de toute façon un point de passage obligé, c’est celui de l’acquisition des normes ; il reste ensuite à passer à la transformation. Et ce serait sans doute la deuxième partie de ce processus que nous ne parviendrions pas à initier.

 

En France, nous évoquons régulièrement, la perte du sens de l’action, la crise des valeurs.

Ne s’agit-il pas plutôt d’un «  trop plein de valeurs » ?

 

Education populaire, un trop plein de valeurs ?

 

Les mouvements d’éducation populaire sont aujourd’hui encore les héritiers de valeurs militantes, anciennes ; l’héritage perdure donc, mais ces mouvements ont aussi développé de nouvelles compétences. L’émergence de valeurs professionnelles est bien sûr inhérente à la professionnalisation du champ, elle a été également portée par de nouvelles relations entre pouvoirs publics et monde associatif.

Les pouvoirs publics finançant l’action, souhaitant évaluer la pertinence de ces financements, ont de fait généré l’émergence de nouveaux savoirs – tant chez les professionnels que les bénévoles-, favorisé la valorisation de la dimension d’expertise.

De fait, les acteurs vivent aujourd’hui, une contradiction entre valeurs militantes et valeurs professionnelles : ils porteraient trop de valeurs.

 

Au-delà de ce débat sur la place des acteurs, c’est la question de la relation du secteur associatif à l’Etat qui a été posée.

 

Animation, associations et Etat.

 

La disparition ou le rétrécissement de l’Etat favoriserait l’implication des citoyens dans des  actions visant la prise en charge des besoins oubliés.

Les associations se révèlent particulièrement actives dans un contexte économique et social morose.

Mais ne sont-elles pas instrumentalisées par l’Etat ?

 

L’Etat cherche de plus en plus à identifier l’acteur public, à préciser ses missions, pour des raisons idéologiques, par souci de rentabilité de l’action publique, de lisibilité de celle-ci, sans doute aussi du fait d’une forme de méfiance vis à vis des corps intermédiaires.

Quelle est la part d’autonomie des associations lorsque les financements structurels disparaissent, lorsque l’action quotidienne doit s’organiser en fonction des financements potentiels ? On constate parfois la négation des objectifs initiaux de l’association.

 

L’identité même du social est menacée… pas assez de revendications en amont, de lobbying politique, pour peser sur les choix et orientations des décideurs.

 

Et peut-être aussi pas assez de culot pour oser affirmer le poids du pôle «  privé-public » qui s’inscrit dans une économie relationnelle, pour dire l’importance d’un tiers secteur créateur de richesses sociales et de richesses économiques.

      En effet, les responsables associatifs n’osent pas parler chiffres, refusent de se situer dans  le champ de la production. Ne serait-ce pourtant pas un biais pour de nouvelles relations à l’Etat ?

 

L’identité du social est menacée, l’autonomie des associations bradée.

C’est donc aussi la question du service public qui doit être énoncée, qui doit être débattue dans notre société.

Quel service public voulons-nous, de quel service public avons-nous besoin ? Quelle définition pouvons-nous collectivement construire ?

 

 

Les mots.

 

Dans cet atelier, nous avons beaucoup dit les mots, entendu les mots. Aussi je voulais terminer ce rapport par cette approche de l’animation, du rôle de l’animateur, que je qualifierai de sensible.

 

 

Une animatrice qui témoignait de son action auprès de publics autistes ou psychotiques, exprimait «  qu’on soit éducateur ou animateur, on est toujours dans l’interprétation, parce qu’ils ne parlent pas… ».

  En effet, que de mots ont pu être dit, par chacun ; des mots pour connaître, pour se reconnaître, se connaître, et …pour naître…

 

En reprenant les nombreuses expressions ressortant de ce registre, il semblerait que le fait de parler, de dire, soit un outil structurant de l’animation. Les intervenants parlent :

-          d’espaces possibles de construction par l’échange, de réactivation de la mémoire, de narration collective,

-          de créer les conditions possibles pour installer un processus de parole sur sa culture,

-          de permettre d’apprendre, de réapprendre les mots pour exprimer son rapport à l’espace social, pour mieux vivre cet espace là,

-          de formuler les mots pour  trouver une place, sa place dans un groupe, pour intégrer l’espace du vivre ensemble,

-          d’améliorer l’estime de soi, de valoriser des parcours,

-          de se mettre en scène face à un groupe, dans un groupe,

-          de mettre en discussion ses propres projets,

-          de s’écouter, de parler pour accepter la différence, les différences.

 

 

Ce  qui préoccupe l’animateur, c’est le fait de permettre que soit donné  une voix, un poids à ceux qui sont l’objet de diverses formes d’exclusions ( exclusions physiques, morales, sociales, économiques), c’est reconnaître les publics exclus de l’action, du faire, de la parole.

 

Cette préoccupation était tangible dans toutes les expressions, dans chaque témoignage.

Parole et citoyenneté ont été associées.

Politique et discours s’éclairent.

 

Je repars avec une réflexion à méditer : «  le politique, c’est ce qui fait entendre comme discours ce qui n’était qu’un bruit ». Ce propos m’accompagne.

Il me semble qu’en temps que citoyenne, puis en tant qu’animatrice, je peux prendre position et m’engager dans l’action.

Il me semble que l’éducation populaire peut trouver légitimité à revendiquer, à participer, à transformer la vie de la cité.

 

 

L’ANIMATION EN FRANCE ET SES ANALOGIES À L'ÉTRANGER Théories et pratiques - état de la recherche
1er COLLOQUE INTERNATIONAL EUROPE / AMERIQUE - 4 / 5 / 6 Novembre 2003 - BORDEAUX (FRANCE)
organisé par le DEPARTEMENT CARRIERES SOCIALES (option Animation Sociale et Socioculturelle) de l'IUT MICHEL DE MONTAIGNE - UNIVERSITE DE BORDEAUX 3

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